[EDUCATION] Comment parler de sexualité quand j'ai été moi-même blessé(e)?
Ressentiment, souffrance, haine, dégoût, lassitude… Être blessé(e) dans son intimité ne nous porte pas à avoir un regard positif sur la sexualité, et encore moins à en parler de manière ouverte et apaisée. Voici quelques conseils pour ceux qui subissent une situation sexuelle difficile et qui ont en plus (!) des enfants à éduquer sur cette question. (C’est quand même mieux les parents que YouPorn niveau source d’informations)
Être blessé(e) dans sa sexualité est malheureusement une réalité que certaines personnes subissent. Cela peut venir d’un geste déplacé d’un copain quand on est ado, de se forcer pour faire plaisir à son partenaire ou bien d’une « première » fois humiliante. Le rejet sexuel répété dans le couple peut être également mal vécu et faire souffrir. Un manque d’écoute ou un acte qui ne respecte pas les besoins de l’autre peuvent être aussi sources de blessures. Sans compter les cas les plus graves d’abus sexuels. Il est normal qu’après de telles expériences on porte un regard méfiant, voire négatif, sur la sexualité. Le traumatisme lié à une blessure d’ordre sexuel peut causer en plus une peur d’en parler.
Comment dès lors avoir un discours positif et éducatif avec son enfant, quand soi-même on a vécu une expérience difficile ?
Pourquoi peut-on souffrir autant à cause de notre sexualité ?
La sexualité peut être à la fois une source de grand bonheur, de bien-être et d’épanouissement personnel. Tout le monde le sait ! Mais elle peut être aussi une grande cause de souffrance et de blessures plus ou moins difficiles à panser. Pourquoi ? Parce qu’elle concerne notre intimité la plus profonde, notre dignité d’homme ou de femme, et notre capacité à nous donner. Par elle, on peut goûter le 7ème Ciel, ou apercevoir l’Enfer. Sexualité : pour le meilleur et pour le pire dans nos vies.
Une chose à retenir absolument : l’enfant est une « éponge ».
Un aspect très important à rappeler quand il s’agit d’éducation affective et sexuelle, c’est qu’un enfant ou un adolescent s’imprègne de tout ce qui l’entoure, de tout ce qu’il entend, voit, sent ou ressent. Des parents qui ne se touchent jamais, ne s’embrassent jamais, qui sont gênés ou n’ont aucun geste tendre l’un envers l’autre, vont donner l’impression que le corps n’est pas une bonne chose, qu’il y a un mal à être en contact « peau à peau » avec une autre personne. Une personne qui n’a pas encore fait de chemin de guérison pour un abus qu’elle a subi peut rejeter la tendresse physique avec violence ou dégoût. Tout cela, l’enfant le perçoit, l’absorbe, et se construit avec. Qu’on en soit conscient ou non.
La clé pour que l’enfant reçoive un discours apaisé et ouvert sur la sexualité est d’être soi-même apaisé(e).
Mon conseil pour avoir une réelle capacité à parler de sexualité avec son enfant est d’abord d’avoir accueilli sa propre blessure. La plupart du temps, en parler avec une personne de confiance suffit à prendre de la distance et à ne plus voir la sexualité comme un lieu de blessures, de mal-être, de frustration. « Oui j’ai été blessé(e). Non cela ne change pas le fait que fondamentalement, la sexualité est une réalité extraordinaire. » Quand il y a abus, la nécessité de se faire accompagner par un professionnel se fait la plupart du temps ressentir. Et c’est une bonne chose : c’est la garantie que notre histoire ne vient pas, ou moins, polluer notre manière d’être au quotidien ni notre discours, par la suite.
Et c’est là que se trouve notre responsabilité de parents. Se faire accompagner pour arriver à gérer ses émotions, son ressenti quant à cette blessure est à notre portée. Pour notre propre bien et pour pouvoir transmettre une vision sereine de la sexualité.
L’estime de soi et l’amour de son corps, la base de l’éducation affective et sexuelle.
Si l’on veut parler à son enfant de joie de la relation sexuelle, d’amour du corps de l’autre, de respect des attentes et des besoins de chacun… Il faut déjà avoir une bonne estime de soi, et un rapport à son corps plein de soin et d’attention. La tendance quand on ne s’aime pas physiquement est souvent de dénigrer son corps ET celui des autres. Inconsciemment ou consciemment. Pour une vie affective et sexuelle heureuse, pleine de joie, l’amour de son corps est une base essentielle, et encore plus valable dans la vie conjugale : comment peut-on aimer le corps de son conjoint quand on voit son propre corps comme un obstacle ? C’est exactement la même chose quand il s’agit de transmettre à son enfant le sens et le respect de son corps. Si vous vous aimez, vous saurez lui parler de l’amour de soi. Si vous aimez votre corps, vous saurez lui transmettre l’amour de son corps.
Quand on a été blessé dans sa sexualité et qu’on a fait ce travail pour accueillir sa blessure, pour retrouver le sens de son corps et du respect de soi, on acquiert une profonde conscience de sa dignité personnelle. On devient même souvent grâce à cela plus capable de la transmettre à son enfant. On sait ce qu’elle est de manière plus aiguë puisqu’elle a été attaquée en nous-mêmes.
Éduquer à la liberté
Aujourd’hui, le terme utilisé dans le langage courant est le consentement. « Dire oui », accepter tel ou tel geste. À l’inverse, quand le non-consentement n’est pas respecté, il y a viol. En parlant de liberté — en cherchant à respecter ce que je suis comme personne humaine — avec votre enfant, vous irez encore plus loin. En effet, celui qui est libre agit en se respectant lui-même. La liberté est la capacité à choisir ce qui est bon pour soi (et par conséquent à rejeter ce qui nous fait du mal). À la différence du consentement, qui aboutit parfois à des situations où l’on accepte des choses qui pourtant ne nous font pas du bien… Le nombre de jeunes filles qui viennent me voir parce qu’elles ont accepté des gestes sexuels dans l’optique de garder leur copain est assez affolant. Dans ce cas précis, elles vont contre ce qu’elles auraient voulu au départ, et qu’elles pensaient bon pour elles. Favoriser l’autre en se niant soi-même, voilà la porte d’entrée pour bien des blessures… Ainsi, transmettre cette notion de liberté à son enfant, c’est lui donner les clés pour faire des choix qui lui correspondent et qui le respectent, pour s’affirmer par un oui ou par un non. Voilà la meilleure des préventions 😉
Les parents ne sont pas des êtres parfaits. Et ce n’est pas un drame !
Si vous avez pris le temps de parler de vos blessures pour arriver à les gérer, si vous avez une estime pour vous-même juste et équilibrée, et que vous avez parlé de liberté avec votre enfant, alors vous pouvez vous dire honnêtement que vous avez fait de votre mieux ! Le célèbre psychanalyste Winnicott parle de la « mère suffisamment bonne » : en ayant porté votre attention sur ces trois points dont nous venons de parler, vous serez des « parents suffisamment bons ». Et cela suffit pour éduquer des enfants. Vouloir être parfaitement en paix, parfaitement à l’aise, parfaitement ouvert pour parler de sexualité est impossible. Mais être suffisamment à l’aise, ouvert et en paix, est tout à fait dans votre ressort. Le plus important est que vous transmettiez à votre enfant ce qu’il doit savoir sur la sexualité avec une vision à la fois juste et bienveillante.
Plus vous serez à l’écoute de vos besoins, de vos attentes, de vos blessures, plus vous saurez répondre à ceux de vos enfants. Vous êtes leur socle. C’est grâce à vous qu’ils peuvent avancer. Alors, prenez soin de vous !
Publié sur Réussir l'amour...