[TEXTE INTEGRAL] Mon intervention au Parlement Européen 🇪🇺
À l’invitation de M. le Député Geuking (Allemagne) et du European Parlement Intergroup on Démographic Challenges, Work-life balance and Youth transitions, j'ai participé le 9 décembre 2020 comme expert au Webinair du Parlement Européen
👉 "Protection of the Innocent : Combating the Over-sexualisation of Children and Harmful Internet Access"
De la pornographie aux différents médias et réseaux sociaux, en passant par des exemples concrets tirés de mon expérience de conseillère en vie affective et sexuelle, découvrez les conséquences de l'hypersexualisation des enfants.
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Mesdames, Messieurs,
Je suis très honorée de me trouver devant vous aujourd’hui et tiens tout d’abord à remercier M. Geuking et votre intergroupe du Parlement Européen pour son invitation à venir vous parler de ces problématiques si importantes que sont la protection de l’enfance et l’éducation. Et je vous remercie également vous tous d’être présents virtuellement à cette conférence.
Je suis conseillère en vie affective et sexuelle et co-fondatrice de l’association Déclic, dont l’action vise à sensibiliser, prévenir, accompagner et former les professionnels sur les conséquences de la pornographie. Et c’est à cet effet qu’aujourd’hui je viens constater avec vous les conséquences de l’hypersexualisation des enfants.
Au quotidien, mon métier est d’accompagner des jeunes dans des établissements scolaires, du CM2 pour la puberté jusqu’à la Terminale sur des sujets tels que l’estime de soi, la construction de sa personnalité, le rapport au corps et la sexualité, la prévention... Je reçois également en consultation dans mon cabinet à Paris ou par internet sur ces mêmes sujets.
Que ce soit dans les écoles, dans mon cabinet, ou via mon association, je suis amenée à aborder et développer chaque jour tous ces thèmes, et suis heureuse de le faire aujourd’hui avec vous pour le Parlement Européen.
Je traiterai donc en premier lieu, des conséquences de l’hypersexualisation par la pornographie des enfants, qui en est selon moi une des premières causes de cette hypersexualisation infantile. Vous verrez que nous avons tendance à oublier ce point alors même qu’il engendre des dégâts immenses.
Puis en deuxième lieu, je parlerai des conséquences de l’hypersexualisation par les systèmes de communication que sont les médias et les réseaux sociaux.
Et enfin, en troisième lieu, j’aborderai les conséquences de l’hypersexualisation des enfants due à des points de contradictions des adultes, et des personnalités politiques particulièrement, sur le sujet de la protection de l’enfance.
Quand on parle d’hypersexualisation des enfants, je pense qu’il est important à chaque fois de rappeler qu’il s’agit d’abord pour eux d’EXISTER dans un monde hypersexualisé. Ils existent dans un monde pour qui le corps a d’abord et presqu’uniquement une valeur sexuelle, une vision du corps récente, parce qu’elle est issue particulièrement de la révolution sexuelle des années 60. Le slogan et signe de ce qu’on appelle la libération sexuelle, le fameux « mon corps m’appartient et j’en fais ce que je veux », en est le parfait résumé.
Parler des conséquences de l’hypersexualisation des enfants, c’est donc voir ce qu’ils reçoivent de notre société. Ce que la société leur offre pour exister. Et ensuite, comment ils réagissent vis-à -vis de ce qu’ils reçoivent.
Je dis cela pour bien faire comprendre que les enfants et adolescents, dans tous les cas et à tous les âges, sont victimes de leur propre hypersexualisation.
A. CONSEQUENCES DE L’HYPERSEXUALISATION VIA LA PORNOGRAPHIE DES ENFANTS
Je vais partir d’une affaire toute récente qui vient de se passer à Perpignan, dans le sud de la France, pour mettre le doigt sur ce que je constate comme étant l’un des principaux facteurs d’hypersexualisation des enfants. Des élèves de primaire, 10-11 ans, ont eu accès à du contenu pornographique à l’école, pendant leur cours de technologie. L’affaire a fait un scandale et a particulièrement choqué les parents, horrifiés que leurs enfants aient pu voir ce genre d’images, et ce d’autant plus dans un cadre comme l’école sensé les protéger.
Voilà ce que le monde leur offre. Près de 800 millions de sites pornographiques, en accès libre pour la plupart d’entre eux. Et nous en sommes désormais à ce triste chiffre : en France, un enfant sur trois entre 10 et 14 ans consomme de la pornographie fréquemment. Je prends comme référence l’étude la plus récente sur le sujet de l’IFOP, l’institut français d’opinion publique, de mars 2017.
Ce que je dis sur la France est bien entendu transposable pour la plupart des autres pays européens malheureusement. Notre président Emmanuel Macron déclarait il y a tout juste un an, que la pornographie est une violence faite aux enfants. Je pense qu’il a eu une parole juste, et surtout une parole claire et officielle. La pornographie est un fléau.
J’ai créé mon association Déclic de sensibilisation sur les conséquences de la pornographie en grande partie à cause des constats que je fais au quotidien dans mon travail de conseillère en vie affective et sexuelle. Et mon associée Maria Hernandez-Mora, pose également en tant que psychologue clinicienne en hôpital, spécialisée en addictologie, un constat alarmant sur les conséquences de la pornographie.
1. Le premier constat est que l’hypersexualisation via la pornographie des enfants amène à une blessure traumatique du psychisme du même type que celles qui sont liés à un abus sexuel physique.
En psychologie et psychiatrie, l’opinion des professionnels s’accorde à parler de viol de l’imaginaire des enfants exposés de façon précoce à la pornographie.
On retrouve par exemple les mêmes sentiments ou symptômes qu’après une agression sexuelle : l’enfant se sent sali et coupable, ressent de la honte et de la tristesse, avec souvent un sentiment de dégoût et une difficulté pour oser parler de ce qu’il a vu.
Et voilà la question terrible de certains adolescents, qui montre aussi combien l’impact psychique est profond : « Madame, comment je peux faire pour oublier ? ». Combien de fois je l’ai entendu cette question !
Vous n’imaginez pas la souffrance, la véritable torture psychique, des enfants qui se rendent compte qu’ils ont été blessés, et qu’ils ne sont pas protégés. A un garçon de 14 ans qui me confiait en pleurant son addiction à la pornographie, j’ai demandé ce dont il aurait besoin pour aller mieux. Sa réponse était sans appel et emprunte d’une telle détresse. « Je veux juste que ça s’arrête » m’avait-il dit.
Les enfants sont victimes de ces images, de ces vidéos, de cette pornosphère omniprésente à laquelle ils ont accès en un clic.
La plupart des premières consultations de pornographie se font autour de 11 ans selon les dernières statistiques sur le sujet de l’IFOP de mars 2017. Mais cela arrive de plus en plus tôt. Les pédiatres, les médecins, les professionnels de l’enfance de manière générale, dénoncent et alertent depuis quelques temps sur l’impact des écrans sur les enfants de moins de 3 ans. C’est un poison en termes de santé, mais cette tablette ou cet ordinateur prêtés par les parents SANS PROTECTION est aussi une bombe à retardement.
De tous jeunes enfants passent de Oui-Oui et sa petite voiture, au film porno regardé par un des parents via cette même tablette ! Exemple réel. Je vais revenir sur ce point de la responsabilité des adultes juste après. Mais c’est un des enjeux d’action les plus évidents, les plus faciles, et pourtant les moins mis en œuvre.
Le coupable principal de la consommation de pornographie des enfants reste quand même le smartphone avec internet en illimité que les enfants ont de plus en plus tôt. Je ne suis pas spécialement fermée à l’usage d’un ordinateur ou d’un téléphone par un enfant, mais quand je sais qu’une recherche internet sur cinq dans le monde via un téléphone portable est pornographique, comprenez que j’invite à une vigilance particulière sur ce point envers les enfants.
2. Après la blessure psychique de type traumatique, le second constat que je pose est que l’hypersexualisation via la pornographie amène à un problème de maturation affective chez les enfants.
Tout ce contexte d’hypersexualisation de notre monde transmet un message sexuel aux enfants. Or ce message arrive dans des corps et des psychismes encore immatures. On parle d’immaturité lorsqu’une personne n’a pas encore atteint son plein développement, que ce soit physique, psychique ou intellectuel. L’immaturité d’un enfant le rend perméable et facilement influençable par le monde qui l’entoure. Et ce qui est en général une bonne chose parce qu’il peut ainsi mûrir, grandir, apprendre des autres, se transforme en un piège lorsqu’il reçoit des choses qui ne lui sont pas adaptées.
La culture pornographique de notre monde blesse les enfants et crée en eux un schéma de pensée, sur lequel ils n’ont aucun moyen de prendre du recul, justement à cause de leur immaturité, mais surtout parce qu’ils construisent leur identité. Ils ne font pas comme les adultes qui « ajoutent » simplement à leur identité des éléments extérieurs.
Pour certains, le développement d’un nouveau schéma neuronal d’un point de vue biologique débute très tôt, lorsqu’ils y sont confrontés de manière directe et répétée à des contenus sexuels. Voilà pourquoi ils peuvent aussi facilement développer à leur insu une addiction à ces images : l’accoutumance physique à la dopamine joue le même rôle qu’une drogue, que l’alcool ou la cigarette. La consommation de pornographie déclenche en effet une HYPERstimulation physique à but masturbatoire, qui n’a rien à voir avec la « simple » stimulation du désir comme un adulte peut avoir face à une personne. Cette hyperstimulation est un choc pour le corps d’un enfant, et favorise aussi l’état de sidération des enfants confrontés à ces contenus, exactement comme pour une agression sexuelle encore une fois.
Ainsi, entre la faiblesse narcissique des enfants, leur construction personnelle encore fragile, et leur exposition précoce à un discours et des images à caractère sexuel qu’ils ne sont pas encore capables d’assumer psychiquement ni physiquement, il est logique que l’enfant réagisse par une affectivité hypersexualisée elle-aussi. Avec une immaturité tout à fait normale parce que liée à leur jeune âge, recevoir régulièrement ces images finit par devenir une forme d’incitation à EXPOSER, EXHIBER eux-mêmes leur propre corps, ou à demander à ce que les autres leur montrent. La notion d’intimité a tout simplement disparu chez eux, au moment même où elle est censée se construire.
Nous retrouvons ici toutes les problématiques de sexting et d’envoi de nudes, ces photos d’une partie ou de tout le corps dénudé qu’un certain nombre de jeunes s’échangent sans en comprendre toute la portée. Plus d’intimité, plus de sens du corps, plus de limites. On expose tout. Et ils y sont tellement habitués que pour la plupart, ils n’y voient même plus le problème. « J’ai le droit, je fais ce que je veux » est typiquement la phrase d’un adolescent trahissant son immaturité : la question de savoir si son action le respecte en tant que personne humaine, personne humaine unique en plus, est totalement oubliée.
Un dernier point quant à l’impact sur leur maturité affective : il ne faut pas oublier que leur développement psychique en cours se caractérise notamment par un besoin de reconnaissance, un besoin d’être aimé et valorisé, et surtout d’être regardé comme une personne digne de respect et d’amour inconditionnel. Et je pense que c’est ici que notre société est particulièrement malade. J’aime cette citation de Rimbaud qui dit que « le monde a soif d’amour ». Que donnons-nous comme réponse à ces enfants qui ont une soif IMMENSE de notre attention, nos soins, notre amour ?
Aujourd’hui ce n’est que très peu d’amour qu’on leur offre, je pourrai développer plusieurs heures sur le sentiment d’abandon que j’observe chez un très grand nombre d’enfants et d’adolescents que je rencontre chaque semaine. L’absence des parents sur ces sujets de construction personnelle, de sexualité et de prévention est malheureusement la plupart du temps un facteur aggravant dans le développement d’une dépendance et des comportements à risques.
Avec la parution en 2017 de mon livre Révolutionner sa vie affective – 10 exercices pour réussir, et face au succès qu’il a reçu, je perçois d’autant plus à quel point il est urgent de développer une nouvelle pédagogie d’éducation affective et sexuelle, qui parle d’estime de soi, qui aident les jeunes à se construire, et qui leur donne les moyens de réfléchir sur les conséquences de la vision pornographique du corps que le monde leur propose. Il y a un vrai manque à ce niveau-là , et ce sera une des réponses essentielles pour les aider à se positionner avec maturité face à ce que la société leur offre.
3. Ce que je dis sur l’éducation affective et sexuelle est d’autant plus important que l’hypersexualisation via la pornographie des enfants influence leur comportement au quotidien, notamment dans leurs relations.
Voici un des chiffres de l’IFOP qui m’a le plus marqué quand ils ont sorti leur étude sur la consommation de pornographie des jeunes : 73% des collégiens ont développé une sexualité en s’inspirant de la pornographie.
En d’autres termes, 73% des collégiens reproduisent d’une manière ou d’une autre ce qu’ils ont vu dans le porno dans leur propre sexualité. Or le message transmis à ces jeunes est simple : il incite à expérimenter une sexualité pulsionnelle et non relationnelle, ou la violence est admise, encouragée et même plébiscitée par les fantasmes des consommateurs. Qui perdent la notion même de ce qui est respectueux et de ce qui est violent.
La semaine dernière, j’ai encore eu le témoignage d’une jeune fille de 12 ans dont le frère de 14 ans cherchait régulièrement à lui mettre la main dans la culotte. En consultation, les enfants les plus blessés ont déployé petit à petit une dépendance, voire une addiction à la pornographie. Il est courant d’entendre qu’ils en arrivent parfois à imaginer leur propre mère ou sœur nue. Et d’autres que leurs fantasmes sont de plus en plus violents et qu’ils en ont peur.
La multiplication de l’inceste, des agressions sexuelles, et dernièrement des violences conjugales chez les jeunes comme nouveau phénomène d’étude est littéralement effarante.
Pour résumer ce que je viens de dire dans ce premier point, je dirai que les enfants étant littéralement biberonnés à la pornographie, ils grandissent avec une vision de la femme, de l’homme, de la sexualité complètement biaisée et surtout extrêmement violente. Ils ne vivent plus des relations, mais font « du sexe ».
Comme conseillère en vie affective et sexuelle, ce décalage et cette vision pulsionnelle de la sexualité est alarmante parce qu’elle transforme la sexualité en une activité parmi d’autres. Or la banalisation de la sexualité chez les enfants leur fait perdre la valeur exceptionnelle de ce qu’elle nous propose de vivre et qui est une aspiration humaine profonde. Le don total de soi à quelqu’un, dans le respect, l’amour, c’est-à -dire en vivant à la fois l’union intérieure et à l’autre des corps, des cœurs et des esprits.
Unité de vie et respect inconditionnel de soi et de l’autre sont des valeurs devenues presque obsolètes. L’urgence est immense pour rétablir ces valeurs fondamentales.
B. CONSEQUENCES DE L’HYPERSEXUALISATION VIA LES MEDIAS DES ENFANTS
Je vous parlais du fait que les enfants et adolescents avaient des téléphones portables sans filtres, sans limites, sans rien. Une des problématiques immenses à partir de là , en plus de l’hypersexualisation via la pornographie, c’est le rapport aux réseaux sociaux.
La pornographie étant omniprésente, on la retrouve dans son influence et dans ses codes dans les différents médias et contenus que les réseaux sociaux proposent. On pourrait dire que ces réseaux sociaux sont le moyen idéal pour transmettre une vision hypersexualisée du corps, particulièrement aux enfants.
Un de mes élèves de 5ème (12 ans) la semaine dernière parlait d’Onlyfans, qui est un réseau social spécialement pour la sexualité, où le contenu sexuel peut même être monétisé. Le confinement a fait exploser le nombre d’inscrits à cette plateforme. C’est une des étapes les plus flagrantes du passage de la pornographie dans la sphère publique, et encore une fois : sans filtre et sans vérification d’âge.
Mais au-delà de ce réseau social spécial sexualité, TikTok, Snapchat, Instagram pour ne citer que les plus connus, font en sorte de continuer à promouvoir une vision du corps uniquement sous son angle « désirable sexuellement ».
1) Ainsi, après la perte du sens de la sexualité dont je vous ai parlé, nous assistons à un véritable anéantissement du sens du corps, de sa valeur et de sa dignité.
Quels sont les modèles proposés par les réseaux sociaux et les médias ? Les influenceurs, c’est-à -dire des mineurs ou des adultes, dont l’exposition médiatique leur a fait bénéficier du saint Graal qu’on appelle « la popularité ». Pour se faire connaître et surtout reconnaître, beaucoup se mettent en scène de façon plus ou moins sexuellement explicite.
Chez les influenceurs mineurs, leur immaturité physique, psychique, intellectuelle et relationnelle est mise en scène sur leur propre page ou « feed ». Ils la maquillent par un comportement mimant l’âge adulte. Et voilà le drame ! Ils jouent aux adultes, s’habillent comme des adultes, revendiquent des droits comme des adultes. Mais ce sont des enfants ou des adolescents. L’inversion des rôles est particulièrement grave en psychologie adolescente parce qu’elle invite l’enfant encore censée pouvoir compter sur les adultes, à se prendre lui-même pour un adulte et donc à ne plus pouvoir bénéficier de la sécurité affective qu’est censée apporter la relation d’enfant à parents. Plus de sécurité affective pour grandir veut dire plus de maturité affective possible !
Des millions de jeunes sont concernés et influencés. Les réseaux sociaux ont un succès fou pour ces jeunes générations parce qu’ils viennent répondre à leurs besoins exacerbés de valorisation et de reconnaissance. Ils créent une dépendance au regard des autres dont ils sont pour certains tout à fait conscients : ils remplacent l’éducation parentale par internet et ces réseaux.
Et le message d’éducation de ces réseaux est simple : mon corps m’appartient, c’est un objet dont je fais ce que je veux. Même ce qui ne le respecte pas. J’expliquais encore la semaine dernière la valeur du corps, son caractère si précieux parce qu’au-delà du « mon corps m’appartient », « mon corps c’est moi » ! Le respect inconditionnel qu’on lui doit renvoie au fait que tout ne peut être exposé, pour garder la notion de pudeur et d’intimité, c’est-à -dire de respect de son corps
Ces notions de pudeur et d’intimité surtout, n’existent presque plus sous prétexte qu’on a le droit de s’habiller comme on veut et de faire ce qu’on veut de son corps. Et là est le fond du problème : « Mon corps c’est moi », je ne peux pas faire n’importe quoi avec, ni les autres.
Ce qui blesse mon corps me blesse moi. Ce qui prend soin de mon corps, me respecte.
Voilà ce que je transmets dans mes interventions. Voilà ce qui fait aussi que dans le dernier établissement où je suis intervenue, nous avons proposé 8 heures de Point Ecoute pour venir discuter avec moi, poser des questions sur les sujets que j’aborde. Et que les élèves faisaient la queue pour pouvoir échanger, être pris en charge, être écoutés dans leurs souffrances.
2) Je vais finir ce point sur les conséquences sur le long terme de cette hypersexualisation des enfants via les médias en remarquant que cette hypersexualisation les fragilise sur deux points.
Leur capacité tout d’abord à être dans des relations de couple stable, durable, sur laquelle ils puissent s’appuyer au quotidien. En effet, des personnalités blessées, dépourvues d’estime de soi, et avec une vision d’eux-mêmes tronquée et une dépendance au regard des autres démultipliée est malheureusement vouée si elle n’est pas accompagnée et prise en charge, à vivre de relations éphémères non satisfaisantes, et surtout sans les éléments de base nécessaire pour qu’un couple fonctionne. Comme je le dis souvent : 1 personne construite + 1 personne construite, ça donne un couple construit… 1 personne bancale + 1 personne bancale… ça donne un couple bancale.
Cette hypersexualisation fragilise également leur capacité à vivre une sexualité épanouissante : celle-ci demande du temps, demande d’apprendre à communiquer, une certaine maturité affective pour savoir identifier et communiquer ses émotions… La limitation de la sexualité a une certaine génitalité, à être « du sexe », vient sacrifier la personne et son bonheur, qui passent en prenant en compte toutes les dimensions de la personne et non simplement son sexe.
Je n’ai pas développé ce point mais cette hypersexualisation vient ajouter aussi la pression de la performance, qui ont le sait, est une des causes principales des problématiques sexuelles masculines, mais aussi de manière générale, de l’insatisfaction sexuelle. C’est un vrai sujet d’accompagnement en cabinet actuellement : on ne sait plus être en relation, donc on ne sait plus vivre le sommet de la relation qu’est la sexualité.
C. Je vais maintenant aborder ma dernière partie qui sera très courte : elle vise à réfléchir sur un point délicat : les CONSEQUENCES DE L’HYPERSEXUALISATION DES ENFANTS DÛE A CERTAINES CONTRADICTIONS DES ADULTES
1) Liberté individuelle VS Protection de l’enfance
En effet, il y a dans le contexte actuel quelque éléments qu’il est urgent d’oser regarder : nous mettons en valeur d’abord la liberté individuelle des adultes (dans leur droit à consommer du porno par exemple). Et nous avons du mal à faire valoir en premier la protection de l’enfance. Il y a des lois concernant l’accès des mineurs à la pornographie, mais personne ne les fait appliquer !
La difficulté à mettre des limites, est due à ce premier argument de la liberté individuelle, de l’absolu non négociable que tout le monde est libre de faire absolument tout ce qu’il veut. La protection de l’enfance passe après automatiquement. Pour moi, c’est un vrai problème.
Mais la difficulté majeure à appliquer les lois de protection est aussi liée au fait que nous vivons tous dans ce monde hypersexualisé, et que nombre d’adultes, et chez nos responsables politiques aussi, consomment et sont eux-mêmes influencés par la pornographie. Sans même le voir la plupart du temps. J’ai souvent un silence gêné de certains parents d’élèves sur ces sujets, parce qu’eux-mêmes ont du mal à se positionner de façon authentique. A la fois je le comprends, et c’est pour cela que j’ose le dire. Mais croyez bien que cela ne PEUT plus durer.
Je pense que nos enfants méritent que nous donnions tout pour les protéger d’un quelconque abus, physique ou psychique.
C’est notre laxisme qui favorise et promeut indirectement les abus et l’hypersexualisation des enfants. Et je suis heureuse de voir que des adultes essaient de prendre leurs responsabilités, et vous en particulier en tant que responsables politiques.
2) Une mesure à prendre d’urgence
Je vais prendre un exemple de disposition qui n’est toujours pas prise.
Quand est ce qu’on va imposer aux opérateurs téléphoniques d’installer des filtres par principe sur les box et téléphones, pour une protection systématique, ou en tout cas qui veut l’être au maximum des enfants ? Si les adultes veulent en regarder, rien ne les empêchera pas la suite de supprimer ces filtres avec un code qu’ils réclameront avec vérification d’identité.
En disant cela, sois certains que j’ai l’impression de dire une chose de bon sens, évidente. Mais je me sens obligée de le rappeler vu que l’exemple des enfants de Perpignan montre que même dans un lieu comme l’école censé être sécurisé, ce n’était pas la réalité ! Et c’est loin d’être le seul endroit où cela arrive. Encore hier, j’avais la discussion avec une amie dont la petite sœur avait pu voir des images pornographiques dans son collège.
CONCLUSION
A l’heure où je suis obligée de parler d’émotions et de vie relationnelle à des enfants masqués, et en étant moi-même masquée, osons faire le pari de retrouver une vision de l’homme qui prenne en compte à la fois sa valeur inconditionnelle à travers son corps, non plus comme un simple objet dont je fais ce que je veux, mais comme ma propre personne.
Il est urgent de reprendre une éducation complète de la personne, fondée sur une anthropologie visant non pas la liberté comme un absolu permettant tout (et donc aussi malheureusement n’importe quoi), mais la liberté comme capacité à choisir le meilleur pour soi et pour les autres. Osons affirmer que la pornographie est le fléau de notre société parce qu’elle blesse, instrumentalise, manipule les consciences en les poussant vers l’utilisation des personnes et non vers leur amour inconditionnel.
Merci encore pour votre engagement dans la protection de l’enfance. C’est l’avenir de ce monde qui est jeu.
Vous pouvez retrouver l’ensemble de mes travaux ainsi que mon livre Révolutionner sa vie affective – 10 exercices pour réussir sur mon site internet www.libertepouraimer.com et sur le site de mon association : www.assodeclic.com
Je vous remercie pour votre attention. Et je suis Ă votre disposition pour vos questions.
Anne Sixtine Pérardel - Conseillère en vie affective et sexuelle