[TEXTE INTEGRAL] Mon intervention au Parlement Européen 🇪🇺

À l’invitation de M. le Député Geuking (Allemagne) et du European Parlement Intergroup on Démographic Challenges, Work-life balance and Youth transitions, j'ai participé le 9 décembre 2020 comme expert au Webinair du Parlement Européen

👉 "Protection of the Innocent : Combating the Over-sexualisation of Children and Harmful Internet Access"

De la pornographie aux différents médias et réseaux sociaux, en passant par des exemples concrets tirés de mon expérience de conseillère en vie affective et sexuelle, découvrez les conséquences de l'hypersexualisation des enfants.

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Mesdames, Messieurs, 

Je suis très honorĂ©e de me trouver devant vous aujourd’hui et tiens tout d’abord Ă  remercier M. Geuking et votre intergroupe du Parlement EuropĂ©en pour son invitation Ă  venir vous parler de ces problĂ©matiques si importantes que sont la protection de l’enfance et l’éducation. Et je vous remercie Ă©galement vous tous d’être prĂ©sents virtuellement Ă  cette confĂ©rence. 

Je suis conseillère en vie affective et sexuelle et co-fondatrice de l’association DĂ©clic, dont l’action vise Ă  sensibiliser, prĂ©venir, accompagner et former les professionnels sur les consĂ©quences de la pornographie. Et c’est Ă  cet effet qu’aujourd’hui je viens constater avec vous les consĂ©quences de l’hypersexualisation des enfants. 

 Au quotidien, mon mĂ©tier est d’accompagner des jeunes dans des Ă©tablissements scolaires, du CM2 pour la pubertĂ© jusqu’à la Terminale sur des sujets tels que l’estime de soi, la construction de sa personnalitĂ©, le rapport au corps et la sexualitĂ©, la prĂ©vention... Je reçois Ă©galement en consultation dans mon cabinet Ă  Paris ou par internet sur ces mĂŞmes sujets.

 Que ce soit dans les Ă©coles, dans mon cabinet, ou via mon association, je suis amenĂ©e Ă  aborder et dĂ©velopper chaque jour tous ces thèmes, et suis heureuse de le faire aujourd’hui avec vous pour le Parlement EuropĂ©en.

Je traiterai donc en premier lieu, des consĂ©quences de l’hypersexualisation par la pornographie des enfants, qui en est selon moi une des premières causes de cette hypersexualisation infantile. Vous verrez que nous avons tendance Ă  oublier ce point alors mĂŞme qu’il engendre des dĂ©gâts immenses. 

Puis en deuxième lieu, je parlerai des conséquences de l’hypersexualisation par les systèmes de communication que sont les médias et les réseaux sociaux.

Et enfin, en troisième lieu, j’aborderai les consĂ©quences de l’hypersexualisation des enfants due Ă  des points de contradictions des adultes, et des personnalitĂ©s politiques particulièrement, sur le sujet de la protection de l’enfance. 

 

 

Quand on parle d’hypersexualisation des enfants, je pense qu’il est important Ă  chaque fois de rappeler qu’il s’agit d’abord pour eux d’EXISTER dans un monde hypersexualisĂ©. Ils existent dans un monde pour qui le corps a d’abord et presqu’uniquement une valeur sexuelle, une vision du corps rĂ©cente, parce qu’elle est issue particulièrement de la rĂ©volution sexuelle des annĂ©es 60. Le slogan et signe de ce qu’on appelle la libĂ©ration sexuelle, le fameux « mon corps m’appartient et j’en fais ce que je veux Â», en est le parfait rĂ©sumĂ©. 

Parler des consĂ©quences de l’hypersexualisation des enfants, c’est donc voir ce qu’ils reçoivent de notre sociĂ©tĂ©. Ce que la sociĂ©tĂ© leur offre pour exister. Et ensuite, comment ils rĂ©agissent vis-Ă -vis de ce qu’ils reçoivent. 

Je dis cela pour bien faire comprendre que les enfants et adolescents, dans tous les cas et Ă  tous les âges, sont victimes de leur propre hypersexualisation. 

 

A.    CONSEQUENCES DE L’HYPERSEXUALISATION VIA LA PORNOGRAPHIE DES ENFANTS 

Je vais partir d’une affaire toute récente qui vient de se passer à Perpignan, dans le sud de la France, pour mettre le doigt sur ce que je constate comme étant l’un des principaux facteurs d’hypersexualisation des enfants. Des élèves de primaire, 10-11 ans, ont eu accès à du contenu pornographique à l’école, pendant leur cours de technologie. L’affaire a fait un scandale et a particulièrement choqué les parents, horrifiés que leurs enfants aient pu voir ce genre d’images, et ce d’autant plus dans un cadre comme l’école sensé les protéger.

VoilĂ  ce que le monde leur offre. Près de 800 millions de sites pornographiques, en accès libre pour la plupart d’entre eux. Et nous en sommes dĂ©sormais Ă  ce triste chiffre : en France, un enfant sur trois entre 10 et 14 ans consomme de la pornographie frĂ©quemment. Je prends comme rĂ©fĂ©rence l’étude la plus rĂ©cente sur le sujet de l’IFOP, l’institut français d’opinion publique, de mars 2017.  

Ce que je dis sur la France est bien entendu transposable pour la plupart des autres pays europĂ©ens malheureusement. Notre prĂ©sident Emmanuel Macron dĂ©clarait il y a tout juste un an, que la pornographie est une violence faite aux enfants. Je pense qu’il a eu une parole juste, et surtout une parole claire et officielle. La pornographie est un flĂ©au.

 J’ai crĂ©Ă© mon association DĂ©clic de sensibilisation sur les consĂ©quences de la pornographie en grande partie Ă  cause des constats que je fais au quotidien dans mon travail de conseillère en vie affective et sexuelle. Et mon associĂ©e Maria Hernandez-Mora, pose Ă©galement en tant que psychologue clinicienne en hĂ´pital, spĂ©cialisĂ©e en addictologie, un constat alarmant sur les consĂ©quences de la pornographie.

 

1.     Le premier constat est que l’hypersexualisation via la pornographie des enfants amène Ă  une blessure traumatique du psychisme du mĂŞme type que celles qui sont liĂ©s Ă  un abus sexuel physique. 

En psychologie et psychiatrie, l’opinion des professionnels s’accorde Ă  parler de viol de l’imaginaire des enfants exposĂ©s de façon prĂ©coce Ă  la pornographie. 

On retrouve par exemple les mĂŞmes sentiments ou symptĂ´mes qu’après une agression sexuelle : l’enfant se sent sali et coupable, ressent de la honte et de la tristesse, avec souvent un sentiment de dĂ©goĂ»t et une difficultĂ© pour oser parler de ce qu’il a vu.

 Et voilĂ  la question terrible de certains adolescents, qui montre aussi combien l’impact psychique est profond : Â« Madame, comment je peux faire pour oublier ? Â». Combien de fois je l’ai entendu cette question !

Vous n’imaginez pas la souffrance, la vĂ©ritable torture psychique, des enfants qui se rendent compte qu’ils ont Ă©tĂ© blessĂ©s, et qu’ils ne sont pas protĂ©gĂ©s. A un garçon de 14 ans qui me confiait en pleurant son addiction Ă  la pornographie, j’ai demandĂ© ce dont il aurait besoin pour aller mieux. Sa rĂ©ponse Ă©tait sans appel et emprunte d’une telle dĂ©tresse. « Je veux juste que ça s’arrĂŞte » m’avait-il dit.

Les enfants sont victimes de ces images, de ces vidĂ©os, de cette pornosphère omniprĂ©sente Ă  laquelle ils ont accès en un clic. 

La plupart des premières consultations de pornographie se font autour de 11 ans selon les dernières statistiques sur le sujet de l’IFOP de mars 2017. Mais cela arrive de plus en plus tĂ´t. Les pĂ©diatres, les mĂ©decins, les professionnels de l’enfance de manière gĂ©nĂ©rale, dĂ©noncent et alertent depuis quelques temps sur l’impact des Ă©crans sur les enfants de moins de 3 ans. C’est un poison en termes de santĂ©, mais cette tablette ou cet ordinateur prĂŞtĂ©s par les parents SANS PROTECTION est aussi une bombe Ă  retardement. 

De tous jeunes enfants passent de Oui-Oui et sa petite voiture, au film porno regardĂ© par un des parents via cette mĂŞme tablette ! Exemple rĂ©el. Je vais revenir sur ce point de la responsabilitĂ© des adultes juste après. Mais c’est un des enjeux d’action les plus Ă©vidents, les plus faciles, et pourtant les moins mis en Ĺ“uvre.

Le coupable principal de la consommation de pornographie des enfants reste quand mĂŞme le smartphone avec internet en illimitĂ© que les enfants ont de plus en plus tĂ´t. Je ne suis pas spĂ©cialement fermĂ©e Ă  l’usage d’un ordinateur ou d’un tĂ©lĂ©phone par un enfant, mais quand je sais qu’une recherche internet sur cinq dans le monde via un tĂ©lĂ©phone portable est pornographique, comprenez que j’invite Ă  une vigilance particulière sur ce point envers les enfants. 

 

2.     Après la blessure psychique de type traumatique, le second constat que je pose est que l’hypersexualisation via la pornographie amène Ă  un problème de maturation affective chez les enfants. 

Tout ce contexte d’hypersexualisation de notre monde transmet un message sexuel aux enfants. Or ce message arrive dans des corps et des psychismes encore immatures. On parle d’immaturitĂ© lorsqu’une personne n’a pas encore atteint son plein dĂ©veloppement, que ce soit physique, psychique ou intellectuel. L’immaturitĂ© d’un enfant le rend permĂ©able et facilement influençable par le monde qui l’entoure. Et ce qui est en gĂ©nĂ©ral une bonne chose parce qu’il peut ainsi mĂ»rir, grandir, apprendre des autres, se transforme en un piège lorsqu’il reçoit des choses qui ne lui sont pas adaptĂ©es.  

La culture pornographique de notre monde blesse les enfants et crĂ©e en eux un schĂ©ma de pensĂ©e, sur lequel ils n’ont aucun moyen de prendre du recul, justement Ă  cause de leur immaturitĂ©, mais surtout parce qu’ils construisent leur identitĂ©. Ils ne font pas comme les adultes qui « ajoutent Â» simplement Ă  leur identitĂ© des Ă©lĂ©ments extĂ©rieurs. 

Pour certains, le dĂ©veloppement d’un nouveau schĂ©ma neuronal d’un point de vue biologique dĂ©bute très tĂ´t, lorsqu’ils y sont confrontĂ©s de manière directe et rĂ©pĂ©tĂ©e Ă  des contenus sexuels. VoilĂ  pourquoi ils peuvent aussi facilement dĂ©velopper Ă  leur insu une addiction Ă  ces images : l’accoutumance physique Ă  la dopamine joue le mĂŞme rĂ´le qu’une drogue, que l’alcool ou la cigarette. La consommation de pornographie dĂ©clenche en effet une HYPERstimulation physique Ă  but masturbatoire, qui n’a rien Ă  voir avec la « simple Â» stimulation du dĂ©sir comme un adulte peut avoir face Ă  une personne. Cette hyperstimulation est un choc pour le corps d’un enfant, et favorise aussi l’état de sidĂ©ration des enfants confrontĂ©s Ă  ces contenus, exactement comme pour une agression sexuelle encore une fois. 

Ainsi, entre la faiblesse narcissique des enfants, leur construction personnelle encore fragile, et leur exposition prĂ©coce Ă  un discours et des images Ă  caractère sexuel qu’ils ne sont pas encore capables d’assumer psychiquement ni physiquement, il est logique que l’enfant rĂ©agisse par une affectivitĂ© hypersexualisĂ©e elle-aussi. Avec une immaturitĂ© tout Ă  fait normale parce que liĂ©e Ă  leur jeune âge, recevoir rĂ©gulièrement ces images finit par devenir une forme d’incitation Ă  EXPOSER, EXHIBER eux-mĂŞmes leur propre corps, ou Ă  demander Ă  ce que les autres leur montrent. La notion d’intimitĂ© a tout simplement disparu chez eux, au moment mĂŞme oĂą elle est censĂ©e se construire.  

Nous retrouvons ici toutes les problĂ©matiques de sexting et d’envoi de nudes, ces photos d’une partie ou de tout le corps dĂ©nudĂ© qu’un certain nombre de jeunes s’échangent sans en comprendre toute la portĂ©e. Plus d’intimitĂ©, plus de sens du corps, plus de limites. On expose tout. Et ils y sont tellement habituĂ©s que pour la plupart, ils n’y voient mĂŞme plus le problème. « J’ai le droit, je fais ce que je veux Â» est typiquement la phrase d’un adolescent trahissant son immaturitĂ© : la question de savoir si son action le respecte en tant que personne humaine, personne humaine unique en plus, est totalement oubliĂ©e. 

 

Un dernier point quant Ă  l’impact sur leur maturitĂ© affective : il ne faut pas oublier que leur dĂ©veloppement psychique en cours se caractĂ©rise notamment par un besoin de reconnaissance, un besoin d’être aimĂ© et valorisĂ©, et surtout d’être regardĂ© comme une personne digne de respect et d’amour inconditionnel. Et je pense que c’est ici que notre sociĂ©tĂ© est particulièrement malade. J’aime cette citation de Rimbaud qui dit que « le monde a soif d’amour Â». Que donnons-nous comme rĂ©ponse Ă  ces enfants qui ont une soif IMMENSE de notre attention, nos soins, notre amour ? 

Aujourd’hui ce n’est que très peu d’amour qu’on leur offre, je pourrai dĂ©velopper plusieurs heures sur le sentiment d’abandon que j’observe chez un très grand nombre d’enfants et d’adolescents que je rencontre chaque semaine. L’absence des parents sur ces sujets de construction personnelle, de sexualitĂ© et de prĂ©vention est malheureusement la plupart du temps un facteur aggravant dans le dĂ©veloppement d’une dĂ©pendance et des comportements Ă  risques. 

 

Avec la parution en 2017 de mon livre RĂ©volutionner sa vie affective – 10 exercices pour rĂ©ussir, et face au succès qu’il a reçu, je perçois d’autant plus Ă  quel point il est urgent de dĂ©velopper une nouvelle pĂ©dagogie d’éducation affective et sexuelle, qui parle d’estime de soi, qui aident les jeunes Ă  se construire, et qui leur donne les moyens de rĂ©flĂ©chir sur les consĂ©quences de la vision pornographique du corps que le monde leur propose. Il y a un vrai manque Ă  ce niveau-lĂ , et ce sera une des rĂ©ponses essentielles pour les aider Ă  se positionner avec maturitĂ© face Ă  ce que la sociĂ©tĂ© leur offre.

 

3.     Ce que je dis sur l’éducation affective et sexuelle est d’autant plus important que l’hypersexualisation via la pornographie des enfants influence leur comportement au quotidien, notamment dans leurs relations.

Voici un des chiffres de l’IFOP qui m’a le plus marquĂ© quand ils ont sorti leur Ă©tude sur la consommation de pornographie des jeunes : 73% des collĂ©giens ont dĂ©veloppĂ© une sexualitĂ© en s’inspirant de la pornographie.

En d’autres termes, 73% des collĂ©giens reproduisent d’une manière ou d’une autre ce qu’ils ont vu dans le porno dans leur propre sexualitĂ©. Or le message transmis Ă  ces jeunes est simple : il incite Ă  expĂ©rimenter une sexualitĂ© pulsionnelle et non relationnelle, ou la violence est admise, encouragĂ©e et mĂŞme plĂ©biscitĂ©e par les fantasmes des consommateurs. Qui perdent la notion mĂŞme de ce qui est respectueux et de ce qui est violent. 

La semaine dernière, j’ai encore eu le témoignage d’une jeune fille de 12 ans dont le frère de 14 ans cherchait régulièrement à lui mettre la main dans la culotte. En consultation, les enfants les plus blessés ont déployé petit à petit une dépendance, voire une addiction à la pornographie. Il est courant d’entendre qu’ils en arrivent parfois à imaginer leur propre mère ou sœur nue. Et d’autres que leurs fantasmes sont de plus en plus violents et qu’ils en ont peur.

La multiplication de l’inceste, des agressions sexuelles, et dernièrement des violences conjugales chez les jeunes comme nouveau phĂ©nomène d’étude est littĂ©ralement effarante. 

Pour rĂ©sumer ce que je viens de dire dans ce premier point, je dirai que les enfants Ă©tant littĂ©ralement biberonnĂ©s Ă  la pornographie, ils grandissent avec une vision de la femme, de l’homme, de la sexualitĂ© complètement biaisĂ©e et surtout extrĂŞmement violente. Ils ne vivent plus des relations, mais font « du sexe Â». 

Comme conseillère en vie affective et sexuelle, ce dĂ©calage et cette vision pulsionnelle de la sexualitĂ© est alarmante parce qu’elle transforme la sexualitĂ© en une activitĂ© parmi d’autres. Or la banalisation de la sexualitĂ© chez les enfants leur fait perdre la valeur exceptionnelle de ce qu’elle nous propose de vivre et qui est une aspiration humaine profonde. Le don total de soi Ă  quelqu’un, dans le respect, l’amour, c’est-Ă -dire en vivant Ă  la fois l’union intĂ©rieure et Ă  l’autre des corps, des cĹ“urs et des esprits. 

Unité de vie et respect inconditionnel de soi et de l’autre sont des valeurs devenues presque obsolètes. L’urgence est immense pour rétablir ces valeurs fondamentales.

B.    CONSEQUENCES DE L’HYPERSEXUALISATION VIA LES MEDIAS DES ENFANTS 

Je vous parlais du fait que les enfants et adolescents avaient des tĂ©lĂ©phones portables sans filtres, sans limites, sans rien. Une des problĂ©matiques immenses Ă  partir de lĂ , en plus de l’hypersexualisation via la pornographie, c’est le rapport aux rĂ©seaux sociaux. 

La pornographie Ă©tant omniprĂ©sente, on la retrouve dans son influence et dans ses codes dans les diffĂ©rents mĂ©dias et contenus que les rĂ©seaux sociaux proposent. On pourrait dire que ces rĂ©seaux sociaux sont le moyen idĂ©al pour transmettre une vision hypersexualisĂ©e du corps, particulièrement aux enfants

Un de mes Ă©lèves de 5ème (12 ans) la semaine dernière parlait d’Onlyfans, qui est un rĂ©seau social spĂ©cialement pour la sexualitĂ©, oĂą le contenu sexuel peut mĂŞme ĂŞtre monĂ©tisĂ©. Le confinement a fait exploser le nombre d’inscrits Ă  cette plateforme. C’est une des Ă©tapes les plus flagrantes du passage de la pornographie dans la sphère publique, et encore une fois : sans filtre et sans vĂ©rification d’âge.  

Mais au-delĂ  de ce rĂ©seau social spĂ©cial sexualitĂ©, TikTok, Snapchat, Instagram pour ne citer que les plus connus, font en sorte de continuer Ă  promouvoir une vision du corps uniquement sous son angle « dĂ©sirable sexuellement Â».

  

1)    Ainsi, après la perte du sens de la sexualitĂ© dont je vous ai parlĂ©, nous assistons Ă  un vĂ©ritable anĂ©antissement du sens du corps, de sa valeur et de sa dignitĂ©. 

Quels sont les modèles proposĂ©s par les rĂ©seaux sociaux et les mĂ©dias ? Les influenceurs, c’est-Ă -dire des mineurs ou des adultes, dont l’exposition mĂ©diatique leur a fait bĂ©nĂ©ficier du saint Graal qu’on appelle « la popularitĂ© Â». Pour se faire connaĂ®tre et surtout reconnaĂ®tre, beaucoup se mettent en scène de façon plus ou moins sexuellement explicite. 

Chez les influenceurs mineurs, leur immaturitĂ© physique, psychique, intellectuelle et relationnelle est mise en scène sur leur propre page ou « feed Â». Ils la maquillent par un comportement mimant l’âge adulte. Et voilĂ  le drame ! Ils jouent aux adultes, s’habillent comme des adultes, revendiquent des droits comme des adultes. Mais ce sont des enfants ou des adolescents. L’inversion des rĂ´les est particulièrement grave en psychologie adolescente parce qu’elle invite l’enfant encore censĂ©e pouvoir compter sur les adultes, Ă  se prendre lui-mĂŞme pour un adulte et donc Ă  ne plus pouvoir bĂ©nĂ©ficier de la sĂ©curitĂ© affective qu’est censĂ©e apporter la relation d’enfant Ă  parents. Plus de sĂ©curitĂ© affective pour grandir veut dire plus de maturitĂ© affective possible ! 

Des millions de jeunes sont concernĂ©s et influencĂ©s. Les rĂ©seaux sociaux ont un succès fou pour ces jeunes gĂ©nĂ©rations parce qu’ils viennent rĂ©pondre Ă  leurs besoins exacerbĂ©s de valorisation et de reconnaissance. Ils crĂ©ent une dĂ©pendance au regard des autres dont ils sont pour certains tout Ă  fait conscients : ils remplacent l’éducation parentale par internet et ces rĂ©seaux. 

Et le message d’éducation de ces rĂ©seaux est simple : mon corps m’appartient, c’est un objet dont je fais ce que je veux. MĂŞme ce qui ne le respecte pas. J’expliquais encore la semaine dernière la valeur du corps, son caractère si prĂ©cieux parce qu’au-delĂ  du « mon corps m’appartient Â», « mon corps c’est moi Â» ! Le respect inconditionnel qu’on lui doit renvoie au fait que tout ne peut ĂŞtre exposĂ©, pour garder la notion de pudeur et d’intimitĂ©, c’est-Ă -dire de respect de son corps 

Ces notions de pudeur et d’intimitĂ© surtout, n’existent presque plus sous prĂ©texte qu’on a le droit de s’habiller comme on veut et de faire ce qu’on veut de son corps. Et lĂ  est  le fond du problème : « Mon corps c’est moi Â», je ne peux pas faire n’importe quoi avec, ni les autres. 

 Ce qui blesse mon corps me blesse moi. Ce qui prend soin de mon corps, me respecte. 

VoilĂ  ce que je transmets dans mes interventions. VoilĂ  ce qui fait aussi que dans le dernier Ă©tablissement oĂą je suis intervenue, nous avons proposĂ© 8 heures de Point Ecoute pour venir discuter avec moi, poser des questions sur les sujets que j’aborde. Et que les Ă©lèves faisaient la queue pour pouvoir Ă©changer, ĂŞtre pris en charge, ĂŞtre Ă©coutĂ©s dans leurs souffrances. 

 

2)    Je vais finir ce point sur les consĂ©quences sur le long terme de cette hypersexualisation des enfants via les mĂ©dias en remarquant que cette hypersexualisation les fragilise sur deux points.

Leur capacitĂ© tout d’abord Ă  ĂŞtre dans des relations de couple stable, durable, sur laquelle ils puissent s’appuyer au quotidien. En effet, des personnalitĂ©s blessĂ©es, dĂ©pourvues d’estime de soi, et avec une vision d’eux-mĂŞmes tronquĂ©e et une dĂ©pendance au regard des autres dĂ©multipliĂ©e est malheureusement vouĂ©e si elle n’est pas accompagnĂ©e et prise en charge, Ă  vivre de relations Ă©phĂ©mères non satisfaisantes, et surtout sans les Ă©lĂ©ments de base nĂ©cessaire pour qu’un couple fonctionne. Comme je le dis souvent : 1 personne construite + 1 personne construite, ça donne un couple construit… 1 personne bancale + 1 personne bancale… ça donne un couple bancale.

Cette hypersexualisation fragilise Ă©galement leur capacitĂ© Ă  vivre une sexualitĂ© Ă©panouissante : celle-ci demande du temps, demande d’apprendre Ă  communiquer, une certaine maturitĂ© affective pour savoir identifier et communiquer ses Ă©motions… La limitation de la sexualitĂ© a une certaine gĂ©nitalitĂ©, Ă  ĂŞtre « du sexe Â», vient sacrifier la personne et son bonheur, qui passent en prenant en compte toutes les dimensions de la personne et non simplement son sexe. 

Je n’ai pas dĂ©veloppĂ© ce point mais cette hypersexualisation vient ajouter aussi la pression de la performance, qui ont le sait, est une des causes principales des problĂ©matiques sexuelles masculines, mais aussi de manière gĂ©nĂ©rale, de l’insatisfaction sexuelle. C’est un vrai sujet d’accompagnement en cabinet actuellement : on ne sait plus ĂŞtre en relation, donc on ne sait plus vivre le sommet de la relation qu’est la sexualitĂ©. 

 

C.    Je vais maintenant aborder ma dernière partie qui sera très courte : elle vise Ă  rĂ©flĂ©chir sur un point dĂ©licat : les CONSEQUENCES DE L’HYPERSEXUALISATION DES ENFANTS DĂ›E A CERTAINES CONTRADICTIONS DES ADULTES

 

1)    LibertĂ© individuelle VS Protection de l’enfance

En effet, il y a dans le contexte actuel quelque Ă©lĂ©ments qu’il est urgent d’oser regarder : nous mettons en valeur d’abord la libertĂ© individuelle des adultes (dans leur droit Ă  consommer du porno par exemple). Et nous avons du mal Ă  faire valoir en premier la protection de l’enfance. Il y a des lois concernant l’accès des mineurs Ă  la pornographie, mais personne ne les fait appliquer ! 

La difficulté à mettre des limites, est due à ce premier argument de la liberté individuelle, de l’absolu non négociable que tout le monde est libre de faire absolument tout ce qu’il veut. La protection de l’enfance passe après automatiquement. Pour moi, c’est un vrai problème.

Mais la difficultĂ© majeure Ă  appliquer les lois de protection est aussi liĂ©e au fait que nous vivons tous dans ce monde hypersexualisĂ©, et que nombre d’adultes, et chez nos responsables politiques aussi, consomment et sont eux-mĂŞmes influencĂ©s par la pornographie. Sans mĂŞme le voir la plupart du temps. J’ai souvent un silence gĂŞnĂ© de certains parents d’élèves sur ces sujets, parce qu’eux-mĂŞmes ont du mal Ă  se positionner de façon authentique. A la fois je le comprends, et c’est pour cela que j’ose le dire. Mais croyez bien que cela ne PEUT plus durer. 

Je pense que nos enfants mĂ©ritent que nous donnions tout pour les protĂ©ger d’un quelconque abus, physique ou psychique. 

C’est notre laxisme qui favorise et promeut indirectement les abus et l’hypersexualisation des enfants. Et je suis heureuse de voir que des adultes essaient de prendre leurs responsabilités, et vous en particulier en tant que responsables politiques.

 

2)    Une mesure Ă  prendre d’urgence

Je vais prendre un exemple de disposition qui n’est toujours pas prise. 

Quand est ce qu’on va imposer aux opĂ©rateurs tĂ©lĂ©phoniques d’installer des filtres par principe sur les box et tĂ©lĂ©phones, pour une protection systĂ©matique, ou en tout cas qui veut l’être au maximum des enfants ? Si les adultes veulent en regarder, rien ne les empĂŞchera pas la suite de supprimer ces filtres avec un code qu’ils rĂ©clameront avec vĂ©rification d’identitĂ©. 

En disant cela, sois certains que j’ai l’impression de dire une chose de bon sens, Ă©vidente. Mais je me sens obligĂ©e de le rappeler vu que l’exemple des enfants de Perpignan montre que mĂŞme dans un lieu comme l’école censĂ© ĂŞtre sĂ©curisĂ©, ce n’était pas la rĂ©alitĂ© ! Et c’est loin d’être le seul endroit oĂą cela arrive. Encore hier, j’avais la discussion avec une amie dont la petite sĹ“ur avait pu voir des images pornographiques dans son collège. 

 

CONCLUSION

A l’heure oĂą je suis obligĂ©e de parler d’émotions et de vie relationnelle Ă  des enfants masquĂ©s, et en Ă©tant moi-mĂŞme masquĂ©e, osons faire le pari de retrouver une vision de l’homme qui prenne en compte Ă  la fois sa valeur inconditionnelle Ă  travers son corps, non plus comme un simple objet dont je fais ce que je veux, mais comme ma propre personne. 

Il est urgent de reprendre une Ă©ducation complète de la personne, fondĂ©e sur une anthropologie visant non pas la libertĂ© comme un absolu permettant tout (et donc aussi malheureusement n’importe quoi), mais la libertĂ© comme capacitĂ© Ă  choisir le meilleur pour soi et pour les autres. Osons affirmer que la pornographie est le flĂ©au de notre sociĂ©tĂ© parce qu’elle blesse, instrumentalise, manipule les consciences en les poussant vers l’utilisation des personnes et non vers leur amour inconditionnel.  

Merci encore pour votre engagement dans la protection de l’enfance. C’est l’avenir de ce monde qui est jeu. 

Vous pouvez retrouver l’ensemble de mes travaux ainsi que mon livre RĂ©volutionner sa vie affective – 10 exercices pour rĂ©ussir sur mon site internet www.libertepouraimer.com et sur le site de mon association : www.assodeclic.com

Je vous remercie pour votre attention. Et je suis Ă  votre disposition pour vos questions. 

Anne Sixtine Pérardel - Conseillère en vie affective et sexuelle


 

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